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L’impact de la restriction : L’expérience de la famine dans le Minnesota

L’impact de la restriction : L’expérience de la famine dans le Minnesota

Peut-être as-tu déjà entendu parler de l’expérience de la famine du Minnesota ? C’est l’une des études les plus déterminantes qui a servi et sert encore comme ressource dans le traitement des troubles alimentaires.

Elle explique les effets psychologique et physiologique de la restriction sur le corps et le cerveau. Et elle donne également un aperçu des événements qui peuvent se produire dans le processus de rétablissement.

Personnellement, je trouve cette étude fascinante. Quand je l’ai analysé, j’ai été stupéfaite de découvrir le nombre de similitudes entre ce que j’avais développé lorsque j’étais anorexique et ce qu’ont développé les sujets de cette expérience qui ont été soumis à de la restriction. 

Toutefois, je trouve que cette étude est d’autant plus probante pour les troubles alimentaires restrictifs, notamment l’anorexie mentale.

Enfin, avant de commencer cette étude, je voulais rappeler une chose : ici, il s’agit d’une expérience où les sujets étaient volontaires. Les troubles alimentaires comme l’anorexie ne sont pas volontaires. Il s’agit d’une maladie mentale dont on ne décide pas de l’avoir, de la commencer comme ça nous chante. 

Contexte de l’expérience

L’expérience débute en 1944 dans un contexte de 2nd Guerre Mondiale. Durant cette période, des hommes subissaient de la famine dans toute l’Europe dû au contexte de Guerre. Il était donc nécessaire de comprendre comment ça impactait le fonctionnement de leur corps afin de leur assurer le meilleur rétablissement après la guerre. Cette recherche a été menée par le physiologiste Ancel Keys et ses collègues de l’Université du Minnesota (d’où le nom de l’expérience).

Cette étude a été faite sur 36 jeunes hommes volontaires, tous en très bonne santé physique et mentale (ils ont reçu au préalable une batterie de tests pour le certifier). Cette expérience a duré presque 1 an.

Comment s’est déroulée l’expérience ?

Tous les participants sont passés par 3 grandes étapes, et 12 d’entre eux ont participé à une 4ᵉ étape.

Première période : Période contrôlée en observation - Durée : 3 mois

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Durant ces 12 semaines, les participants étaient en observation avec des apports donnés en fonction de leurs besoins. Des diététiciens qualifiés leur avaient préparé des repas leur apportant tous les nutriments et vitamines nécessaires. Le but était de maintenir leur équilibre calorique. Ainsi, les chercheurs pouvaient apprendre à mieux connaître les habitudes comportementales et physiques de ces hommes. Et de ce fait, les comparaisons à la fin de la recherche seraient plus pertinentes. 

Durant ces 3 mois, les hommes mangeaient approximativement 3 200 à 3 500 calories. 

Deuxième période : Période de restriction - Durée : 6 mois

La période de famine commença alors au bout de 3 mois pour une durée de 6 mois. Cependant, on dit “famine” mais ce n’est pas une famine au sens propre du terme. Je veux dire que souvent, on associe la famine comme l’arrêt total de nourriture. Cependant, durant cette période, les hommes ont été restreints à un apport calorique moitié moindre à ce qu’ils consommaient auparavant, soit approximativement 1570 calories par jour.

Et pourtant, tu verras dans la suite de cet article, les impacts néfastes sur la santé sont dévastateurs ! Donc c’est dire à quel point ce n’est pas la quantité de restriction qui importe. Je dis ça parce que souvent, quand on a un TCA, on a tendance à minimiser et à dire “oui mais je ne me restreins pas tant que ça”. 

Et autre point, 1570 calories, c’est supérieur à de nombreux régimes préconisés. Et déjà, je déteste les régimes et suis contre ce mindset, mais là, ça prouve encore plus la dangerosité ! La prochaine fois que tu verras ou entendras un discours conseillant un très faible apport calorique, souviens-toi de cette étude !

La prise alimentaire se faisait en 2 repas journaliers : l’un donné aux alentours de 8 heures du matin et l’autre à 18 heures du soir. Le but était de reproduire les prises alimentaires données aux combattants de la guerre. Le type d’aliment donné s’inspirait également de ce qui était donné dans les tranchées : du pain noir, des pommes de terre, des navets, du rutabaga…

Pendant cette période de temps, les hommes devaient marcher quotidiennement un nombre de kilomètres définis. Il était également soumis à un travail dans un laboratoire durant 15 heures par semaine qui correspondait essentiellement à des tâches bureautiques. Enfin, ils avaient un test sur tapis roulant 30 minutes par semaine. S’ils le souhaitaient, ils pouvaient assister à des activités académiques et sociales 25 heures par semaine. 

Durant cette période de “famine”, une perte de poids était attendue et mesurée précisément. Si elle était trop lente ou trop rapide, leur ration était adaptée.

Troisième période : Période de renutrition mesurée - Durée : 3 mois

À la suite de cette période de famine, a suivi une période de 3 mois durant laquelle la renutrition était limitée à un apport calorique entre 2000 et 3000 calories.

Quatrième période : Période de renutrition non contrôlée - Durée : 2 mois

Seulement 12 des sujets a été confronté à cette dernière étape : ils avaient la possibilité de manger la quantité de nourriture, et donc de calories, qu’ils voulaient. Et ils étaient toujours observés. 

Cela ne veut pas dire que le reste des participants n’a pas fait cela, simplement, ils n’ont pas été observés durant cette période.

Les observations qui ont été faites

Je trouve cette partie fascinante et c’est là que j’ai pris conscience des grandes similarités avec l’anorexie.

Toutefois, je connais bien les TCA et je sais qu’on a toujours tendance à minimiser la gravité de sa maladie en soulignant davantage les symptômes que tu n’as pas.

Donc ne te dit pas que si tu n’expérimentes pas ces symptômes, c’est que ton TCA n’est pas grave. Rappelle-toi qu’ici, il s’agit d’une expérience et non pas d’un trouble alimentaire non voulu.

Et souviens-toi également que chacun expérimente les troubles alimentaires à sa propre façon et que ça n’en rend pas moins valide ta maladie ou ta guérison.

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Les impacts physiques de la restriction sur leur corps

  • Une perte de poids (volontaire) a été noté comme c’était voulu. Le poids a chuté en moyenne de 25% et leur masse musculaire a diminué de 40%. Ils avaient parfois mal lorsqu’ils devaient s’assoir car ils avaient perdu trop de poids. Ils se munissaient donc d’oreillers pour atténuer la douleur et les frottements.
  • Ils souffraient d’anémie, de déficits neurologiques, ils avaient la peau pâle, rugueuse et fine ; les ongles cessaient de pousser ; les cheveux cassaient et la repousse était ralentie.
  • Les hommes souffraient de problèmes intestinaux, notamment de constipation. Durant les 3 premiers mois de l’expérience, ils allaient aux toilettes au moins 1 fois par jour contre une à 2 fois par semaine durant la période de “famine”. 
  • Leur température corporelle était basse, ils avaient du mal à se réchauffer et avaient froids. Et à l’inverse, ils présentaient une plus grande résistance à la chaleur : ils demandaient d’ailleurs à ce que leur café, thé et repas leur soit servi très chaud.
  • Une diminution de leur pouls, soit le rythme cardiaque, a été noté également. Leur cœur a en moyenne diminuée de 17%.
  • Une diminution de la libido a aussi été notée. Mais pas tant seulement en termes de désir. Des analyses ont démontré une baisse de leur capacité de reproduction. Cette étude a été réalisée uniquement sur des hommes : je pense que c’est parce qu’à l’époque, c’étais les hommes les principaux concernés puisqu’ils étaient soldats. Mais si des femmes avaient participé, ce symptôme se serait traduit par une perturbation des cycles de règles, voire l’arrêt complet des menstruations, soit une aménorrhée.

Les impacts psychiques et comportementaux de la restriction

Très vite, des préoccupations obsessionnelles autour de la nourriture ont été remarquées : cela revenait constamment dans les sujets de conversation, dans les choix de lecture. Et certains participants avaient même honte d’admettre en rêver. 

Cet intérêt pour la nourriture a même conduit certain participant à développer comme une passion autour des livres de recette. À la fin de l’expérience, l’un d’eux avait une collection de plus de 100 livres de recettes qu’il aimait regarder. Cette obsession a même amené certains d’entre eux à observer des gens manger dans des restaurants, ou à dévorer des yeux les vitrines de boulangerie.

  • Certains hommes trouvaient du plaisir à regarder les autres manger tandis que d’autres préféraient éviter de les voir manger.
  • Certains sont devenus possessifs quant à la nourriture, inquiets que certaines personnes leur volent leur repas. Durant l’heure du repas, ils gardaient les coudes devant leur assiette comme pour la protéger. (Pour le coup, je trouve qu’ici on voit bien qu’il ne s’agit pas d’un TCA mais d’une expérience. Car leur volonté était de manger le plus possible. Mais ça n’est que mon avis.)
  • Étant donné que les repas n’étaient pas tous exactement les mêmes, ils prenaient plaisir à comparer leur menu. 
  • De nouvelles consommations sont apparues : certains mâchaient énormément de chewing-gum, du matin au soir, à tel point que les chercheurs ont dû limiter le nombre de boîtes de chewing-gums. D’autant que les participants les mâchaient tellement rapidement que leur mâchoire en venait douloureuse. 
  • D’autres ont développé des habitudes de tabagismes et de caféine en essayant d’ignorer leur faim. La consommation d’eau s’est vue aussi fortement accroître dans une recherche de plénitude au niveau de l’estomac. 
  • Les sujets devenaient de plus en plus irritables, facilement énervés pour des broutilles. 
  • Les participants ont également développé comme des TOC : manger beaucoup plus lentement, couper en petits morceaux leur nourriture… ils essayaient de trouver des façons de tromper leur cerveau, de faire des illusions leur faisant croire que leur assiette comportait plus de nourriture qu’elle n’en avait réellement. Ils utilisaient également beaucoup d’épices et de sel pour tenter de relever la saveur de leur plat. 
  • Les hommes qui étaient des hommes sociables et extravertis à la base sont devenus renfermés, isolés, avec des attraits anxieux et dépressifs.

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Que se passait-il durant la phase de réalimentation ?

La réalimentation contrôlée

À mesure que l’apport calorique augmentait, des changements physiques et mentaux ont été notés de façon positive. Les anxiétés et dépressions se sont vues être stabilisées. 

De nombreux participants souffraient d’œdèmes au niveau des chevilles, des genoux et même du visage. 

Beaucoup disaient terminer les repas en se sentant rassasiés physiquement, mais pourtant insatisfaits. Ils avaient le sentiment d’avoir encore faim.

La réalimentation non contrôlée

12 participants ont donc été observés lorsqu’on leur a donné la possibilité de gérer eux-mêmes leur renutrition. Et cette partie, je la trouve également très intéressante et j’aurais aimé la connaître avant de traverser ma faim extrême

Des participants se sont vus manger plusieurs repas au cours d’un seul repas justement. Ils disaient avoir des difficultés à ressentir leurs sensations de faim et de satiété. 

Ils se disaient traverser des périodes de frénésie alimentaire où ils mangeaient une quantité excessive selon eux de nourriture (ils ne le savaient pas, mais c’était une réponse complètement normale suite à la restriction des mois précédents !)

Étant donné qu’ils étaient observés, les chercheurs ont pu noter que les hommes mangeaient entre 4 000 et 11 500 calories les premières semaines avec une moyenne à 5 000 calories. 

Nombreux sont ceux qui ont reporté de grandes douleurs aux ventres avec notamment un patient qui a terminé aux urgences. Les hommes disaient qu’ils sentaient que physiquement ils ne pouvaient plus rien avaler mais qu’ils désiraient encore manger car ils ne se sentaient pas rassasiés.

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Les chercheurs ont admis qu’ils ne s’attendaient à ce que les sujets aient besoin d’autant de calorie. Et après de longues observations et analyses, Keys a souligné l’importance d’un apport conséquent de calorie pour permettre aux dommages causés pendant la période de restriction d’être reconstruits. 

Certains des participants avaient toujours ces comportements, même 5 mois après la fin de cette observation.

Ce paragraphe est pour moi super important ! Parce que ça répond aux peurs que tu peux rencontrer si tu ressens une faim sans fin, qui dure plusieurs temps, où tu manges de grandes quantités de nourriture : tu vois que c’est une réaction complètement normale du corps après la restriction. Ce n’est pas toi qui a un problème ni à cause de ton TCA. Ces hommes n’avaient pas de troubles alimentaires. Et je redonne également deux données importantes : ils ont été en “semi-famine” pendant 6 mois. À savoir que peut-être que tes apports étaient encore plus moindres et/ou que cela a duré d’autant plus longtemps.

Certains ont précisé que la période de renutrition a été la période la plus compliquée à vivre. 

Je parle aussi de cette expérience dans un épisode de podcast : 

Et après ?

La plupart des participants ont pris encore beaucoup de temps après la fin de l’étude pour retrouver un rapport à l’alimentation classique. En moyenne, la plupart d’entre eux ont retrouvé leur poids après 1 an. Mais il faut bien retenir qu’une fois qu’ils ont commencé à manger, ils ne sont pas restreints. Ils ne compensaient pas non plus par de l’exercice physique ou de la purge. Ils ont mangé jusqu’à être rétabli complètement. Dans le cadre de la guérison d’un trouble alimentaire, les peurs sont souvent tellement présentes que ça peut être beaucoup moins rapide. 

Personnellement, quand j’ai lu cette étude, je n’ai pas pu m’empêcher d’avoir beaucoup de compassion pour ces participants. Je me suis dit qu’ils ont dû le regretter parce que ç’avait l’air vraiment horribles ! 

Mais des chercheurs (Eckert, et al., 2018) ont interrogé 19 d’entre eux 60 ans plus tard pour connaître l’impact de la restriction sur le long terme. Aucun d’entre eux n’a dit regretter avoir participé à l’étude. 

En revanche, ils se souvenaient tous de symptômes précis qu’ils avaient éprouvés durant cette étude. Souvent, ils se rappelaient des points positifs plus que négatifs. Et cela me fait un peu penser à la période où l’on romantise le trouble alimentaire, ou la période de restriction nous manque.

Ils se sont tous souvenus également de la faim incroyable qu’ils ont ressenti à la sortie de la période de famine. Certains ont évoqué une “boulimie” ou de la suralimentation. En réalité, c’était une faim appropriée pour un corps restreint qui avait accumulé une carence d’énergie.

Attention, cette expérience n’est pas un trouble alimentaire

J’aime beaucoup cette expérience car je trouve qu’elle permet de comprendre énormément de fonctionnement du corps lorsqu’il est dans un environnement de restriction comme c’est le cas dans l’anorexie.

Cependant, comme je disais au début, il ne faut pas oublier qu’on voit des différences avec les troubles alimentaires. Je dis ça notamment pour les proches qui peuvent lire cet article. Je ne veux pas qu’ils se disent qu’en fait “il suffit de manger” ou “il suffit d’arrêter la restriction”. Ces hommes n’avaient justement pas les mécanismes de l’anorexie, du trouble alimentaire et c’est ce qui les a aidés à se remettre rapidement de cette expérience. Mais c’est aussi pourquoi leur capacité mentale avait été évalué avant d’être admis pour l’étude. 

Les différences que j’ai notées dans cette étude par rapport à quelqu’un qui souffre de TCA :

  • Souvent, ils disent qu’ils étaient fatigués physiquement. Ils évitaient les escaliers, ils évitaient de faire du sport. Une personne qui a des TCA est facilement hyperactive mentalement et va limite au contraire chercher les escaliers. 
  • Ils attendaient avec impatience la fin de cette étude et d’ailleurs, ils avaient une date de fin à ce cauchemar ! Les troubles alimentaires, on se souvient parfois approximativement quand ça a commencé, par contre, on ne sait pas quand ça se terminera !
  • Si on leur donnait plus de nourriture, ils l’auraient mangé. Alors qu’en général, dans les TCA restrictifs (hors période faim extrême je parle), les patients font généralement tout pour manger le moins possible.
  • L’étude ne révèle pas que ces hommes ont des peurs par rapport à l’alimentation. Souvent, les patients de troubles alimentaires catégorisent des aliments comme “bons” ou “mauvais” et ont des peurs, que ce soit sur le type d’aliment ou la quantité. Les patients ont parfois peur de guérir aussi, soit d’avoir cette période de restriction terminée. Or ici, les sujets éprouvent tout le contraire et s’en fichent un peu de ce qu’ils ont dans leur assiette tant qu’ils ont à manger.
  • Lorsqu’on a un trouble alimentaire, la personne qui en souffre a vraiment la sensation que c’est impossible de manger. Et ce n’est pas juste dans sa tête, elle est malade ! Elle ne fait pas semblant et elle n’a pas “juste à manger”. Ce n’est pas aussi simple. 
  • Enfin, ces hommes se sont restreints de façon volontaire POUR une expérience. Les personnes qui souffrent d’un trouble alimentaire ne se restreignent pas par plaisir même si ça leur fait du bien. C’est justement que leur corps/ mental a développé un TCA comme stratégie d’adaptation. Parce qu’elles ont un mal-être dans leur vie, et le TCA leur donne l’illusion que cela leur permet d’être en contrôle, de se protéger, de gérer l’anxiété ou un traumatisme. Et parfois, des personnes disent que leur trouble alimentaire leur sauve la vie. Et elles le pensent et c’est sans doute vrai ! C’est vraiment la façon que leur corps a trouvé de survivre, de leur dire qu’il y a quelque chose qu’il ne va pas et qu’il faut vraiment le travailler. 

Voilà, j’espère que cette étude vous aura plu ! Je la trouve personnellement super intéressante et très pertinente dans le cas des troubles alimentaires ! N’hésite pas à me dire si tu as mieux compris des choses, si ça t’a aidé d’une quelconque manière.

Je te mets les sources si tu souhaites faire toi-même tes propres recherches : 

They starved so that others be better fed: remembering Ancel Keys and the Minnesota experiment – Leah M Kalm, Richard D Semba, 2005, The Journal of Nutrition.

The Great Starvation Experiment: Ancel Keys and the Men Who Starved for Science

The Biology of Human Starvation – Volume I-II

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