Gérer les repas au restaurant quand on souffre de troubles alimentaires

La plupart des gens sont super contents lorsqu’on les invite à une soirée restaurant. Certains ont même l’habitude d’y aller toutes les semaines, c’est leur petit plaisir. Aller au restaurant peut paraître banal et super attrayant ! À condition de ne pas avoir de troubles alimentaires… Pour une personne souffrant de TCA, aller au restaurant est vraiment source d’angoisse et c’est un véritable défi, un moment même difficile à passer.
Le contrôle de notre alimentation est un symptôme très fréquent des troubles alimentaires. Il est même central pour beaucoup de malades. Aller au restaurant, c’est n’avoir aucun contrôle sur notre repas. On ne sait pas comment est confectionné le repas, quels sont les aliments qui composent le plat, l’heure à laquelle nous seront servis… Et il y a également le regard des autres à gérer. Une autre conséquence des troubles alimentaires, c’est la solitude, le fait de se couper de toute vie sociale. Aller au restaurant, c’est manger en compagnie d’autres personnes qui d’ailleurs, ne mangeront pas forcément le même repas que nous.
Mais aller au restaurant est un excellent exercice sur le chemin de la guérison. Je le dis souvent, mais dites-vous bien que si c’est difficile, c’est parce que ça dérange votre trouble alimentaire. Et au plus vous dérangez votre TCA, au plus la petite voix est poussée hors de sa zone de confort, au plus vous vous rapprochez de la guérison totale de votre trouble alimentaire. Lorsque j’étais en hôpital de jour, le restaurant était un exercice thérapeutique. Nous avions 1 à 2 sorties restaurant organisées où nous ne savions pas quel restaurant était choisi par l’hôpital. Nous avions l’obligation de choisir un repas complet, à savoir a minima plat et dessert, en éliminant les salades de notre short list. Franchement, c’était super angoissant. Et pour être honnête, lorsque j’étais sur place, il m’arrivait de pleurer devant mon dessert. Alors, je sais à quel point cet exercice est difficile. Dans cet article, je vous partage des tips pour vous aider à mieux gérer les sorties au restau avec votre trouble alimentaire.
Accepter que l’exercice soit difficile
Vous avez extrêmement peur d’aller au restaurant et c’est parfaitement normal. Vous avez la petite voix de votre trouble alimentaire qui hurle en vous de ne pas y aller, que vous ne le méritez pas, que vous n’y avez pas le droit, que vous faites une grave erreur en acceptant ce déjeuner ou dîner, que vous allez le regretter, etc. C’est donc complètement normal d’avoir le sentiment que vous n’allez pas y arriver et de vous sentir dévaster par l’exercice.
Acceptez ces peurs, ces angoisses avec bienveillance fait partie du processus de guérison. Félicitez-vous d’accepter le restaurant et ne soyez pas trop dur avec vous-même. Comprenez que votre corps se sent en détresse parce qu’il doit se battre avec les démons internes de la maladie. Ne soyez pas trop exigeant avec vous-même. Ne vous en voulez pas d’avoir d’être en difficulté, de ne pas accepter avec enthousiasme un restaurant comme les autres pourraient le faire. Vous n’êtes pas les autres. Vous souffrez d’un trouble alimentaire. Ce n’est pas votre faute.
J’en profite pour dire que tout le monde n’en est pas au même stade dans les troubles alimentaires. D’où l’importance de ne pas comparer sa guérison avec celle d’autres malades. Il y a autant de troubles alimentaires que de personnes qui en souffrent. On a tous ses difficultés, ses peurs, ses angoisses…
Lorsque j’étais en hôpital de jour, tout le monde ne pouvait pas aller au restaurant tout simplement parce qu’il s’agit quand même d’un exercice très difficile. Moi-même, lorsque j’étais au plus dénutri, et que la maladie avait une telle possession de mes pensées, les médecins refusaient que je me prête à cet exercice. Je le dis souvent, il est extrêmement important d’être accompagné par des professionnels lorsqu’on a des troubles alimentaires. Parlez-en à votre thérapeute de votre sortie restaurant pour que vous puissiez en discuter et mesurer vos capacités à cet instant pour faire face à un repas au restaurant.
« Petit à petit, l’oiseau fait son nid »
Une chose importante en général dans la guérison des troubles alimentaires, c’est le fait de ne pas vouloir aller trop vite. Si vous allez trop vite, vous prenez le risque de ne pas être prêt, de vous brusquer et donc de rechuter plus facilement.
Cela reste un conseil personnel, mais y aller en douceur pour les repas au restaurant est judicieux. J’entends par là qu’il ne vaut mieux pas foncer direct dans un fast-food et prendre le plat avec la plus grande intensité de « peur », votre plus gros fear-food. Après, chacun est libre de faire comme il le souhaite et cela dépend tellement de où vous en êtes dans votre processus de guérison.
Personnellement, mes premiers restaurants, je les ai fait dans un Flunch ou au Salad&co. C’était plus simple pour moi de retrouver les mêmes assiettes que j’avais à la maison. C’était un petit pas : mon repas ne changeait pas tant que ça mais j’étais dans un environnement totalement étranger et je n’avais pas tant de contrôle sur mon repas puisque je ne le calculais pas ni ne le cuisinais moi-même. Ensuite, j’ai commencé à aller dans des « vrais restaurants » et au début, je prenais plutôt des assiettes qui ne me faisaient pas trop peur, ou alors une assiette « fear-food » mais un dessert plutôt simple à prendre. Puis je prenais à la fois une assiette et un dessert « fear-food », qui me donnaient envie évidemment mais dont je n’étais pas habituée d’en manger parce que c’étaient des aliments qui faisaient tout simplement peur.
D’ailleurs au début, je regardais aussi le menu à l’avance et je choisissais même mon repas. Cela m’aidait à être moins stressée. Puis petit à petit, mon défi a été de ne plus regarder le menu en avance.
Ce que je veux dire, c’est que j’y allais vraiment petit à petit, étape par étape en fonction de ce qui me faisait moins peur au plus peur. Une fois que vous maîtriserez toutes ces étapes, vous pourrez plus facilement accepter les sorties au restaurant improvisées, où vous ne prévoyez pas en amont le restaurant et votre plat.
Préparer votre sortie au restaurant en amont
Comme je vous disais, je pense, et notamment pour vos premiers restaurants, qu’il est important de les préparer en amont afin de s’assurer que tout se passe pour le mieux au moment-même.
Choisir les bonnes personnes :
Commencez par choisir la ou les personnes qui vous accompagneront au restaurant. Je vous conseille de choisir des proches qui sont au courant de vos troubles alimentaires mais qui en plus, comprennent ce que c’est et la difficulté que cela représente pour vous. Il vous faut des personnes en qui vous avez confiance, qui sauront vous aider en cas de difficulté, qui seront votre véritable bouée de sauvetage. Je vous déconseille de prendre des personnes qui parlent en boucle de nourriture, de régimes et tout ce qui va avec. Vous savez qu’en tant que personne souffrant de TCA, ces discussions sont de véritables éléments déclencheurs de stress.

D’ailleurs, évitez de partager vos repas avec d’autres personnes ayant des troubles du comportement alimentaire (en dehors du cadre thérapeutique évidemment). Choisissez une personne agréable, souriante, qui discutera avec vous de sujets qui vous changeront les idées. Une personne qui a une relation saine à la nourriture. C’est important que votre cerveau puisse à termes faire le lien entre sortie au restaurant et moment agréable.
Prévoyez le cadre spatio-temporel :
Prévoyez en amont le jour, la date précise où vous réaliserez cet exercice. Évidemment, la vie, c’est d’être invitée au restaurant à l’imprévu. Mais pour pouvoir accepter un restau à l’imprévu, il faut d’abord l’avoir expérimenté plusieurs fois comme un exercice thérapeutique. Vous pouvez également si vous le souhaitez et si vous le pouvez, vous rendre en amont sur le lieu du restaurant pour mieux vous projeter. Maintenant, on a internet quand même ! Et parfois le fait de visiter le site internet ou les réseaux sociaux du restaurant permet de mieux appréhender votre sortie. Prévoyez d’ailleurs au départ un restaurant plutôt calme. Vous avez déjà assez de brouhaha dans votre tête. Enfin personnellement, un endroit trop bruyant et trop mouvementé me stressait au début. J’avais besoin d’un environnement stable.

Préparez la sortie avec votre thérapeute :
Prévoyez de faire une séance avec votre psychologue avant où vous abordez toutes vos angoisses. Vous pouvez avec le thérapeute imaginer la situation la pire qui puisse se passer pour mieux la gérer si elle se passe vraiment (d’ailleurs, la plupart du temps, le pire envisagé n’arrive jamais). Si vous le souhaitez, vous pouvez également prévoir une séance avec votre thérapeute le jour-même ou les jours suivants votre sortie au restaurant. Cela vous permettra de debriefer sur les choses qui ont été anxiogènes, mais aussi pour souligner le positif, votre pas de plus vers la guérison.
Visualiser le moment :
C’est quelque chose qui m’aide souvent personnellement, l’exercice de visualisation. Lorsqu’un événement me stress, dans ma tête je vais visualiser l’événement. Cela permet d’appréhender notre comportement face aux différentes étapes de la sortie au restaurant. Le jour même, votre cerveau aura le sentiment de l’avoir déjà vécu et se sentira plus en sécurité.
Lister les déclencheurs :
Anticipez en amont tous les déclencheurs qui pourraient se manifester le jour de l’expérience afin de mettre en place des actions pour les éviter ou pour mieux les gérer. Par exemple, je savais que je devais éviter les restaurants avec buffet à volonté parce que très généralement, je perdais le contrôle et après je culpabilisais énormément. Mes premiers restaurants n’étaient donc pas des buffets à volonté. De même, les déclencheurs étaient les conversations autour des calories, du régime, ou certaines remarques sur la nourriture. Si je le pouvais, je briefais les gens en amont sur ce qu’ils ne devaient pas dire pour ne pas me mettre en difficulté. D’où le fait de bien choisir les personnes qui nous accompagne dans les premières fois si on en a la possibilité, bien sûr… Un autre déclencheur pour moi était également de choisir un aliment que mon TCA voulait et de me refuser ce qui me donnait envie. Je savais que si je choisissais la salade de fruit à la place de la coupe glacée qui me donnait envie, j’allais finir par compulser sur du sucré en rentrant chez moi. Je gardais ça en tête pour choisir des plats qui me donnaient vraiment envie.
Prévoyez des sujets de conversation :
Alors clairement pour moi c’est un autre déclencheur : le silence. Je déteste manger dans le silence ou que la personne qui m’accompagne ne parle pas, tout simplement car la voix dans ma tête prendrait le dessus et j’aurai milles pensées autour de la culpabilité qui résonneraient dans ma tête. Prévoyez des petites idées de sujets de conversation en cas de « blanc » pour ne pas laisser place au trouble alimentaire.
Pratiquer un exercice de relaxation :
Afin d’instaurer un climat de sérénité, vous pouvez prévoir de faire un exercice de relaxation avant d’aller au restaurant : une méditation guidée (comme avec l’application petit bambou) ou un exercice de respiration, de cohérence cardiaque… Cela vous permettra de calmer vos peurs intérieures.
Maintenez votre plan alimentaire : ne compensez pas
Je sais que tout le monde n’a pas de plan alimentaire spécifique mais quand je parle de plan, je veux dire que vous devez maintenir vos habitudes alimentaires même le jour où vous allez au restaurant. Vous devez prendre ce jour exactement comme un jour classique.
Je sais que ce n’est pas simple et que votre trouble alimentaire vous dit le contraire. Je sais que vous le savez mais que ce n’est pas aussi simple de manger normalement. Je le sais parce que j’ai répété cette connerie de nombreuses fois. Avant, je mangeais moins les jours précédents, le jour même et même le lendemain. J’arrivais au restaurant affamée, et le pire se produisait toujours : je mangeais énormément, je me ruais sur le pain, je culpabilisais, je me haïssais… Bref, vous connaissez la chanson.
Vous le savez aussi bien que moi, se restreindre ou compenser par du sport plongera votre corps dans un état de stress. Et votre corps aura besoin de récupérer l’énergie qu’il n’a pas eu pendant cette phase de restriction et vous fera potentiellement compulser. Vous n’avez pas besoin de « garder de la place » pour votre repas au restaurant. Vous n’avez pas besoin de mériter ce repas. Vous n’avez pas besoin de « nettoyer » le repas après. C’est votre trouble alimentaire qui vous dit ça. Vous avez le droit au plaisir, vous avez le droit de manger sans compenser. Faites confiance à votre corps, il se régulera de lui-même. Mais ne le privez pas d’énergie car il arrivera à plat au restaurant. Et votre cerveau associera toujours le restaurant comme un événement traumatisant pour votre organisme.
Forcez-vous à manger normalement en amont et après le repas. Souvent on s’en fait toute une montagne, on a peur de prendre du poids à cause du repas au restaurant, de perdre totalement le contrôle. Mais manger au restaurant n’est pas égal à grossir avec un gros repas. C’est une association que fait votre trouble alimentaire mais qui est faussée.
En répétant l’exercice du restaurant tout en mangeant avant et après, on finit par se rendre compte que finalement, c’est la montagne qui accouche d’une petite souris. C’est-à-dire que ça n’a pas d’impact monstrueux de manger au restaurant. Sinon, croyez-moi il y aurait beaucoup moins de restaurant et les gens ne s’en réjouiraient pas tant que ça d’y aller !
Petite parenthèse : Je vous déconseille fortement de vous peser après. Déjà parce que la pesée doit être réservée au médecin. Mais en plus parce qu’évidemment ça pourra avoir un impact sur les jours d’après mais c’est tout à fait normal. Sachez que lorsque le corps absorbe du sucre ou des glucides, il retient deux à trois fois la quantité en eau. Donc forcément le chiffre de la balance est impacté. Mais ce n’est pas du gras et surtout ce n’est pas un poids qui va rester sur le long terme. Rappelez-vous que l’équilibre se fait sur la semaine et même sur le mois. Ce n’est pas « aussi simple » que ça de prendre du poids.
La difficulté de choisir votre plat
Lorsqu’on allait au restaurant avec mon copain et que je sortais à peine de l’hôpital, il me disait à quel point j’étais totalement différente une fois que j’avais la carte du menu dans les mains. Mon visage s’assombrissait et la petite voix dans ma tête me hurlait un tas de commentaire insignifiant : « choisi le moins calorique », « tu ne mangeras que la moitié de ton assiette », « ne prend qu’un plat sans entrée ni dessert », « choisi un plat sans féculent », « prend le plat le plus sain de la carte », etc.
J’étais complètement perdue et je pouvais prendre franchement 30 minutes pour choisir mon plat. Je changeais toujours mon choix car j’hésitais terriblement entre ce que mon trouble alimentaire voulait et ce que moi je désirais réellement. Après des mois voire des années d’anorexie mentale, c’était parfois difficile de faire la distinction.

Mais en fait, rappelez-vous qu’il n’y a pas de « mauvais » ou « bons » aliments. Tous les aliments ont la même fonction : donner l’énergie nécessaire à votre corps pour vivre, lui donner du carburant. Tous les aliments contiennent des micronutriments et des macronutriments pour faire fonctionner votre corps. Je vous l’ai déjà dit dans mon article sur la peur de grossir, mais même la graisse est nécessaire pour votre corps. Votre corps a besoin de graisse pour vous assurer une bonne vue, des cheveux en bonne santé, pour faire fonctionner normalement votre cerveau, pour ne pas altérer vos capacités de mémorisation, etc. Malheureusement, on est dans une société qui normalise le fait de catégoriser les aliments en « bons » ou « mauvais ». Mais dites-vous bien que ces discours sont surtout à l’origine de l’industrie du régime qui brasse des millions d’euros. Leur but est de nous faire culpabiliser pour nous faire acheter des produits, des programmes minceur qui n’ont clairement pas un impact positif sur notre santé.
De même, je ne ressentais plus mes sensations de faim ni de satiété. C’était donc difficile de savoir si j’avais faim ou si c’était juste de la gourmandise. Mais avec le temps, j’ai compris et appris que c’est normal de manger par gourmandise. La plupart des gens au restaurant mange par gourmandise. Manger pour se faire plaisir est aussi vital. C’est important pour votre santé mentale. Votre corps a besoin de se faire plaisir pur vivre. D’ailleurs, en cas de coup dur dans la vie, notre cerveau est conçu pour chercher des aliments qui vont le réconforter. Et il n’y a aucun mal à ça. Vous avez le droit de vous faire plaisir, de vous chouchouter avec des aliments que vous aimez. Ça n’a rien avoir avec la faim. C’est de la gourmandise. Mais la gourmandise n’est pas un pêché, ce n’est pas négatif. C’est juste normal, en fait (attention gros scoop) vous êtes humain ! 😉
Gardez bien en tête que ce muffin ou ce hamburger ne vous tueront pas. Ce ne sont que des aliments. Ils n’ont pas le pouvoir de déterminer votre valeur. En revanche, vous restreindre, sur le long terme, cela peut mettre votre vie en danger…
Si vous avez du mal à choisir, vous pouvez vous allouer un temps limité. Par exemple, vous vous donnez 5 minutes pas plus pour choisir. Et une fois que vous avez fait votre choix, vous refermez la carte des menus et vous ne la touchez plus. Vous vous concentrez sur les conversations de votre table pour vous changer les idées.
Avant de refermer la carte des menus, vous pouvez vous demander : est-ce que c’est mon TCA qui veut ça ou est-ce que c’est moi ? Qu’aurais-je fait comme choix il y a X année lorsque je n’étais pas malade ?
Rappelez-vous aussi que tous vos repas n’ont pas à être parfait. Je me souviens que lorsque j’étais en guérison, il fallait absolument que je ressente du plaisir en mangeant. Je trouvais ça dingue de voir mes parents ou mon copain manger juste parce qu’ils ont faim et qu’il faut manger. Pour moi chaque repas était un événement de fou, il fallait que je mange quelque chose qui donne très envie, que je prévois quelque chose qui sorte de l’ordinaire, que ce soit une expérience unique à chaque repas. Bref je me mettais la pression. Et si je n’avais pas ressenti une immense joie en mangeant mon repas, je me sentais triste, je me disais que j’avais raté ma chance de me faire plaisir. Mais en fait, des repas, on en a 3 à 4 par jour et ce tous les jours de notre vie. Dites-vous bien que tous vos repas ne doivent pas être parfait et exceptionnels. Et que dans tous les cas, si vous hésitez entre deux plats ou que vous avez regretté d’avoir choisi le plat que vous avez mangé, ce n’est pas grave. Car vous aurez d’autres occasions de le manger, de vous faire plaisir.
Ne vous engagez pas dans des conversations sur la nourriture
Malheureusement, on est dans une société obsédée par les calories, les aliments minceurs, les régimes. Une société qui normalise le fait de se restreindre, de s’autoflageller lorsqu’on se fait plaisir… Ce n’est clairement pas simple de guérir d’un trouble alimentaire dans un environnement pareil. Mais malheureusement, on ne peut pas contrôler les pensées, comportements et conversations des autres. En revanche, on peut changer sa réaction lorsqu’on entend ce genre de discours.
Ce n’est pas un exercice facile et qui pas efficace dès les premières fois, mais mettez-vous tout simplement des œillères. Quand j’entends ce genre de conversation, j’ai plusieurs façons de réagir :
- Soit je vais couper court la conversation et changer très vite de sujet
- Soit j’entame une conversation avec d’autres personnes sur un autre sujet
- Soit je dis très clairement que ce genre de discours me met en difficulté et que je préfère ne pas les aborder.
Aussi, je me dis toujours que ce genre de paroles ne me concerne pas. Que ça fait partie de mon traitement de ne pas écouter ce genre de discours destructeur. Ce sont des paroles qui alimentent votre trouble alimentaire. Donc vous êtes obligée, pour votre guérison, de vous fermer à ce genre de discussion. Dans tous les cas, ne vous engagez pas dans des débats pour démontrer qu’il ne faut pas participer à la diet culture. Ce n’est pas votre rôle. C’est leur problème s’ils croient en ces façons de penser. Vous n’êtes pas là pour les éduquer, et ils risquent de vous avancer des arguments qui vous mettront encore plus en difficulté. Si vous souhaitez, j’ai dédié un article pour vous aider à gérer les personnes qui parlent constamment de régime.
Restructurez vos pensées
En TCC (thérapie cognitivo-comportementale), j’ai appris à restructurer mes schémas de croyances, de voir les choses autrement. L’exercice consiste à noter dans une première colonne ce que votre trouble alimentaire vous dit. Dans une seconde colonne, notez votre pensée rationalisée. Le but est d’entraîner son cerveau à choisir la pensée rationalisée au lieu de la pensée de votre TCA.
Par exemple : Lorsqu’on vous propose d’aller au restaurant
- La pensée du TCA : « Ça va être un moment horrible. Je vais perdre le contrôle, les gens vont me regarder, je ne vais pas être dans ma zone de confort, je ne peux pas le faire ».
- La pensée rationalisée : « En effet, mon TCA m’amène à avoir peur de cet exercice. Mais il s’agit d’une très bonne expérience pour déloger mon TCA et le pousser hors de sa zone de confort. C’est pour moi l’occasion de faire un pas de plus vers la guérison. J’ai toutes les ressources en moi pour réussir cet exercice ».
Lorsque vous entendez la première pensée dans votre tête, c’est-à-dire celle du TCA, répétez-vous la pensée rationalisée.
Pratiquer l’exercice de la respiration ou la pleine conscience

Je le conseillais en amont de la sortie au restaurant, mais parfois, durant le repas, on peut se sentir submergé par ses angoisses. Un exercice rapide et efficace consiste à vous concentrer sur votre respiration. Inspirez lentement et expirez profondément. Ressentez l’air qui entre dans vos poumons puis qui en sort.
Vous pouvez aussi tenter de vous mettre dans un état de pleine conscience. Prenez conscience de la chaise sur laquelle vous êtes assis, des membres de votre corps qui sont en contact avec la chaise. Ressentez la texture de la chaise, la façon dont vos pieds touchent le sol. Vous pouvez aussi boire un verre d’eau doucement, ressentir la gorgée d’eau descendre dans votre corps, ressentir la différence de température entre l’eau et la température interne du corps.
Je profite de ces quelques mots de fin pour vous rappeler que vous pouvez y arriver. Le restaurant est un moment tellement agréable dans la vie, vous avez le droit d’en profiter aussi. Ne laissez pas votre trouble alimentaire vous enlever cela, vous faire croire que vous ne le méritez pas. Vous pouvez croire en vous, vous avez toutes les ressources pour y arriver. Ne soyez pas trop dur avec vous-même : si au début le restaurant ne se passe pas bien, ce n’est pas grave et c’est même normal. Continuez de vous battre, retournez y pour confronter votre TCA à cette peur. Voyez le restaurant comme un traitement. Cela fait partie de votre ordonnance pour pouvoir guérir de votre TCA. Avec le temps et la persévérance, vous maitriserez de mieux en mieux l’expérience du restaurant et avec le temps, vous pourrez l’accepter sans l’appréhender.
Au début de ma guérison, c’était impossible d‘aller au restaurant. Ensuite je suis passée par la phase dans laquelle je me restreignais avant et où l’expérience du restaurant était de ce fait terriblement négative pour moi. Lorsque je sautais un repas en amont, ça augmentait clairement le risque je prenne des plats très riches pour combler rapidement ma faim. Aujourd’hui, lorsque j’arrive sans être affamée, je fais des choix plus conscient et moins extrémiste.
Ça me paraissait inconcevable il y a 1 an, mais aujourd’hui je suis à l’initiative de sortie au restaurant. Avant, je les redoutais. Qu’est-ce que ça fait du bien d’arriver au restaurant sans être affamée ! C’est un véritable plaisir de pouvoir apprécier mon assiette sans me ruer dessus. Je ne vais pas au restaurant QUE pour manger, j’y vais pour passer un bon moment en compagnie d’autres personnes.
Merci pour cet article très bien écrit, également pour votre travail en général, vous m’aidez beaucoup sur le chemin de ma guérison. Je ne vous remercierai jamais assez de partager votre histoire, vos expériences et vos conseils.
Merci beaucoup pour ce retour Camille ! C’est encourageant ! Je continue avec plaisir 🙂