Se reconnecter à la vraie vie pour guérir

Quand on souffre d’un trouble du comportement alimentaire, la maladie prend toute la place.
Elle dicte tes journées, tes émotions, tes choix, tes activités… TOUT
La maladie devient une identité, un repère, une fausse sécurité.
Mais il y a une chose qu’on oublie : la guérison, ce n’est pas juste arrêter les comportements alimentaires problématiques. C’est surtout réapprendre à vivre.
Beaucoup de personnes me disent parfois : mais je fais que ça me lancer des défis alimentaires, travailler sur mes problèmes psychologiques, voir des spécialistes… Mais la guérison, c’est beaucoup se reconnecter à la vie.
Parce que la vraie vie, c’est découvrir de nouvelles choses, faire des rencontres, tester de nouvelles activités, avoir des projets… des choses qui n’ont rien avoir avec tes problèmes psychologiques, ton alimentation, ton poids, ton corps.
Dans un article précédent, je vous parlais de burnout de la guérison.
Si vous êtes constamment en train de vous lancer des défis, de travailler sur vos peurs, etc. Oui, vous allez dans un burnout de la guérison. Alors que la guérison, c’est aussi, se reconnecter à la vie. Je ne sais pas trop comment appeler ça autrement.
Mais dans cet article, j’aimerais te donner des pistes pour t’aider à te reconnecter à la vie.
Je vais te parler un peu de mon expérience. Si tu as lu mon roman autobiographique, tu l’as lu. Mais je me rends compte qu’il y a des choses que j’ai oublié de dire dans mon livre. En gros, quand je sortais de ma deuxième hospitalisation, je me suis ouverte à la vie. J’ai commencé à faire des sorties avec des copines. J’ai aussi rencontré mon copain, et alors je me suis mise à voyager, j’ai rencontré de nouvelles personnes. Je me suis inscrite à une association, j’ai commencé des cours de théâtre. Je me suis inscrite sur des applications pour me faire des amis, et rencontrer encore de nouvelles personnes.
Et donc dans cet article j’aimerais vous donner des idées d’activités à faire et des questions à vous poser pour vous aider à aller vers cette reconquête de la vie, la vraie (soit, pas celle de ton trouble alimentaire).
La métaphore du jardin
Je vais commencer par te parler d’une métaphore pour illustrer tout ça.
Imagine un grand jardin.
Pendant longtemps, tu n’as cultivé qu’une seule plante. Une plante envahissante. C’est ton trouble alimentaire.
Tu la connais par cœur : tu sais quand elle pousse, comment l’arroser, comment elle peut évoluer, etc.
Mais ce que tu oublies, c’est qu’il y a tout un terrain autour… que tu peux encore explorer.
Tu n’as juste pas encore osé planter autre chose parce que de nouvelles plantations représentent l’inconnu, que tu ne maîtrises pas, dont tu as peur.
On pense souvent que guérir, c’est arracher la plante envahissante qui représente ton trouble alimentaire. Mais en réalité, c’est plutôt semer d’autres plantes, petit à petit. Parce que oui, arracher une plante, ça fait peur. Puisque c’est la seule qui est là, même si elle est toxique, ton jardin se retrouverait nu si tu l’enlèves. Le vide, ça fait peur à n’importe qui. C’est pour ça qu’en plantant d’autres plantes, tu vas remplir petit à petit ton jardin et il n’y aura petit à petit plus d’espace pour la plante toxique de ton trouble alimentaire.

Pourquoi c’est essentiel d’aller vers la nouveauté
Le trouble alimentaire se nourrit de l’isolement, de la répétition, du contrôle.
Au plus tu es seul, loins des autres, au plus il a de pouvoir. Au plus tu restes dans tes repères, dans tes habitudes, au plus tu te sens dans le contrôle, dans la sécurité mais en réalité, tu es dans les habitudes de la maladie.
À l’inverse, la nouveauté, la curiosité, les expériences, sont des endroits où la maladie n’a pas ses repères. Elle est donc plus faible dans la nouveauté.
Je vais te donner un exemple concret : pareil j’en parle dans mon roman autobiographique l’anorexie, mon bouclier mortel. Quand je suis sortie de ma première hospitalisation, j’ai repris ma vie exactement là où je l’avais arrêté : les mêmes habitudes, les mêmes lieux, le même emploi du temps. Tout ça, c’était des raccourcis pour la maladie et de ce fait, elle s’est très vite réinstallé dans ma vie, et même de façon plus puissante. En sortant de ma deuxième hospitalisation, j’ai changé mon emploi du temps, revu des personnes que je ne voyais plus, fait de nouvelles activités… Et tout ça, ça m’a aidé à aller vers la guérison.
La nouveauté te fait peur, mais souviens-toi que quand tu as peur, quand tu as la sensation de mal faire, c’est que ton trouble alimentaire n’est pas bien, parce qu’il n’a pas ses repères, parce que tu ne lui obéis pas. Et c’est exactement ce qu’on veut. La nouveauté c’est un outil de ta guérison, et l’ennemi de ton trouble alimentaire.
Des idées d’activités pour se reconnecter à soi
Alors, je te parle pas de déménager tous les deux mois, de partir 1 an en Australie. Je te parle pas de révolutionner ta vie, mais juste de planter des petites graines. Mêmes si ces graines n’aboutissent pas en jolie fleur, c’est pas grave. Au moins tu auras essayé, et ton terrain sera de plus en plus fertile pour de nouvelles prochaines fleurs.
Ne cherche pas ta passion pour la vie. Cherche juste des micro-curiosité. Et accepte que ce soit flou, inconfortable, pas parfait. Je le précise car j’ai déjà des personnes qui m’ont dit vouloir faire du journaling comme je faisais mais qui ont peur de mal faire alors elles ne passent jamais à l’action. Vaut mieux fait que parfait. Et le but est de vous intéresser à autre chose que la maladie, pas d’exceller dans un nouveau domaine.
Les gens qui font du yoga, qui sont bibliothécaire bénévole, qui participent à des maraudes… Ils le font pour se faire du bien, pour se rendre utile. Pas pour être parfait.

Exemples d’activités que vous pouvez faire seul :
- Apprendre à dessiner
- Faire du scrappbooking avec des photos de votre enfance, ou pour offrir à quelqu’un, ou un scrapbook de petites joies avec des moments doux que vous voulez garder en mémoire
- Ecrire une histoire / une bd
- Créer une boîte à souvenir sensoriel
- Créer une boîte à offrir à quelqu’un (avec des petits cadeaux pour faire plaisir ou des lettres à lire chaque mois par exemple pendant 1 an).
- Créer un projet de « 100 jours » : 100 jours où chaque jour tu fais une page de journaling ou 100 jours où tu testes une nouvelle chose
- Créer des montages vidéos avec des photos de vos proches, ou faire un petit film
- Créer de la musique avec un logiciel de musique (avec Soundtrap, GarageBand)
- Apprendre une nouvelle langue
- Apprendre à jouer un instrument
- Créer un compte sur les réseaux sociaux mais qui n’a absolument rien avoir avec la recovery/guérison. Plutôt sur de la culture générale, sur un thème que t’a envie d’aborder ou de découvrir toi-même
- Faire un challenge 2 seconde par jour où tu filmes chaque jour 2 secondes de ta vie random et à la fin des 30 ou 100 jours tu fais un petit montage
- Faire une capsule temporelle : t’écrire une lettre pour ton toi dans 4 mois, dans 6 mois, dans 1 an, dans 3 ans, dans 5 ans, dans 10 ans… Tu peux le faire pour une autre personne aussi.
- Tu peux apprendre à lire les cartes (comme le tarot)
- Tu peux te lancer dans une collection : de timbres, de pièces, de cartes postales, ou tout autre objet anodin
- Tu peux apprendre à peindre des galets
- Apprendre à coudre ou à broder
Tout ça ce sont des idées d’activité en mode « projet » qui peuvent être puissantes en guérison car elles donnent un fil conducteur, un objectif, et permettent de canaliser l’énergie mentale dans quelque chose de constructif et gratifiant.
J’ai essayé de donner le maximum d’idée pour vous inspirer. J’espère que ça vous inspira ! Et vraiment, n’oubliez pas que l’important c’est pas de réussir à faire ça parfaitement, c’est de tester des nouvelles choses, de t’ouvrir à de nouvelles choses qui ne sont pas ta maladie.
Sortir de l’isolement social
Là je vous ai donné tous des idées d’activité à faire seul. Mais quelque chose qui est primordial dans la guérison : c’est de s’ouvrir aux autres. C’est ça qui va vraiment vous aider à découvrir que la vie, ce n’est pas la nourriture, le poids, l’apparence. Ce sont les autres qui vont t’ouvrir à tant d’autres choses (à condition évidemment de s’ouvrir vers des gens non toxiques, qui ne sont pas centré sur leur apparence et les régimes. Vraiment j’insiste sur ce point parce que c’est important).
Quand on a un TCA, la solitude est souvent un piège. Elle renforce la maladie. Et pourtant, on n’ose plus aller vers les autres.
Moi je me souviens que lorsque je suis sortie de la maladie, j’étais à un moment de ma vie où j’avais fini les études et c’était compliqué de rencontrer de nouvelles personnes. Donc je m’étais tout simplement tourné vers des applications pour rencontrer des amis ! Et j’en ai rencontré 2-3 ! Alors ça a été passager. Mais ça m’a fait du bien. Et qui sait, vous rencontrerez peut-être votre prochaine meilleure amie !
Meetup : pour trouver des groupes autour de la lecture, de la randonnée, de la spiritualité, de la musique, de la photo, etc.
Bumble BFF : c’est une version de Bumble pour se faire des amis (pas pour sortir en couple).

Et ensuite, il y a tout simplement les associations locales, les clubs, les ateliers… ça peut être des ateliers d’écriture, des cours de chant, une chorale, des cours de théâtre, être bénévole au resto du cœur, à l’unicef, participer à des soirées jeux de société, participer à des maraudes, etc. Le but est de t’ouvrir à de nouvelles personnes pour créer du lien. L’objectif, ce n’est pas d’avoir plein d’amis d’un coup. C’est de remettre un peu de vie et d’humain autour de toi.
Je sais que quand on souffre de TCA, le trouble pousse à t’isoler. Par honte, par fatigue, par peur de devoir “faire semblant”. Mais plus on s’éloigne des autres, plus le trouble prend de la place. Recréer du lien humain, même minuscule, peut faire la différence. Commence petit. Tu n’as pas besoin de te forcer à sortir tous les jours ou de t’exposer à des situations inconfortables.
Tu peux commencer par les applications Meetup ou Bumble BFF puisque les gens sur ces applis ont les mêmes objectifs que toi : chercher à tisser du lien.
Et si tu n’as pas encore l’énergie de rencontrer en vrai, tu peux déjà créer du lien symbolique, en ligne par exemple. Je me rappelle que lorsque j’étais ado je m’étais inscrite sur un forum pour rencontrer un correspondant du monde (j’en avais aux États Unis, en Espagne, en Italie…). Internet peut avoir du bon ! Après attention aux forums sur lesquelles vous allez. Mais pour moi, c’est important de dire de ne pas rester uniquement dans la communauté « recovery ». Même si c’est une communauté qui vous comprend, qui te ressemble, dans laquelle tu te sens en sécurité… ça reste quand même centré autour de la maladie. Je ne te dis pas de couper si c’est quelque chose qui t’aide aujourd’hui, mais je te dis de t’ouvrir à d’autres personnes également.
Tu peux aussi dire à un ou une amie proche que tu cherches à rencontrer de nouvelles personnes, et donc demander à ce qu’elle ou qu’il te fasse rencontrer ses propres amis.
Des questions à te poser
Dans l’esprit de cet article, je te propose des questions sur lesquelles tu peux te poser. Quand j’étais malade, je me faisais souvent des moments d’introspection où moi je notais sur un carnet (mais tu peux très bien le faire dans ta tête ou à voix haute).
Donc je vais te proposer une série de questions, si tu veux les noter pour te créer un moment d’introspection dans la même thématique de « te reconnecter à toi / à la vie » :
- Si je n’étais pas malade, je serais quel genre de personne ?
- Qu’est-ce que j’aimerais tester mais qui me fait peur ? Qu’est-ce que je testerai si je n’étais pas malade ?
- Qu’est-ce que je faisais enfant et que j’adorais ?
- Qu’est-ce qui me fait rire dans la vie ? Quels sont les moments où je me sens bien ?
- Si j’étais certaine de réussir, quelles activités je ferai ? Quels métiers ?
- Comment mes proches me décriraient-ils, en dehors de la maladie ?
J’espère que cet épisode t’aura donné des idées, des pistes, peut-être même une petite étincelle pour aller vers autre chose que ton trouble.
J’espère que ça t’aura inspiré·e à te reconnecter à toi-même, à la vie, aux autres… même si ce n’est qu’un tout petit pas.
La nouveauté, l’inconnu, ça peut faire peur. Mais c’est aussi là que la maladie n’a pas encore mis les pieds.
Tu souhaites recevoir un shot de bienveillance et de motivation pour ta guérison chaque semaine ?
Inscris-toi à ma newsletter pour des conseils exclusifs (PS : J’ai des cadeaux pour toi 🤗)